Vous pouvez arrêter vos trucs de « femmes numériques » svp ?

Sans vouloir les citer, je vois actuellement passer beaucoup, beaucoup d’évènements dans le monde du digital (oui, ok, numérique, comme vous voulez, on se comprend) qui sont orientés « femme ».
Quand je dis « orienté », j’euphémisme pas mal (et j’invente des mots, oui) c’est en fait bien plus : on a toute une palanquée d’évènements « pour les femmes ». Les femmes numériques, les femmes patrons, les femmes startup, tout ça, tout ça.

A chaque fois, je me sens très très peu empathique face à ce genre d’évènements.
Je ne comprends pas.
Je vous le dis comme je le pense, je perçois tout bonnement du sexisme… mais quoi, comment, pourquoi ?…
Donc comme d’hab’, pragmatisme oblige, j’essaie de comprendre…

Alors, il me manque surement des éléments de compréhension, c’est certain. Car ces évènements sont organisés avec une volonté toute constructive, et les participants (participantes ?) y ont très surement le même esprit positif.

Là où je me perds complètement, c’est que mettre un focus sur un caractère physique ou un trait de pensée et utiliser cet angle en en faisant un critère sélectif, et bien… comment dire… c’est la définition de la ségrégation.  Et je n’aime pas. Du tout…

Je n’arrive pas à comprendre le truc.
Pourquoi, nom de nom, pourquoi un projet porté par une femme serait distinguable par rapport au même projet porté par un homme ou un enfant ?
Pourquoi une société, une startup, une volonté, une idée, serait meilleure ou moins bonne selon qu’elle soit portée par une femme ou un homme ?

Ça déconne ou c’est moi qui déconne ?

Manquerez plus que le concours des projets de roux numériques (j’aurai mes chances), des vieux numériques, des blacks numériques, des gens du PS numériques, des handicapés numériques, des chrétiens numériques, etc…
Sans déconner !

Il me semble que parler des projets pour ce qu’ils sont, pour ce à quoi ils servent, serait nettement plus pragmatique, logique, sain, positif.
A quand la disparition des clivages qui n’ont pas lieu d’être au profit des synergies de compétences, de savoir-faire de dynamismes : le concours du meilleur projet numérique dans la santé, celui du meilleur projet numérique appliqué aux drones, du meilleur projet numérique appliqué à la finance, etc. Il y a des centaines d’idées !

Il y a tellement à faire… et je n’ai pas l’impression qu’on prenne tout ce foisonnement par le bon bout. Et dans ce monde du digital ouvert et qui réinvente continuellement, voir se reproduire ces clivages pour moi insensés, par mauvaise habitude ou par triste paresse, ça m’attriste.

Mais j’ai peut-être loupé quelque chose dans mon analyse… Surement…

Les commentaires sont ouverts si vous pouvez m’aider à comprendre.

 

One thought on “Vous pouvez arrêter vos trucs de « femmes numériques » svp ?

  1. +1 … je ne comprends pas cette attitude sexiste des femmes envers les hommes.

    Les évènements numériques sont très masculin, pourquoi se réserver ou se cacher ?

  2. Sûrement une nouvelle itération du féminisme. Je pensais que c’était les chats qui essayaient de dominer le monde via Internet, peut être que je me trompais…

  3. Salut Renaud,

    Il me semble que l’organisation des tels événements découle d’une volonté légitime volontariste de vouloir mettre en avant les projets et succès d’acteurs féminins dont la proportion est sans doute marginale dans ce domaine. Cette démarche se heurte alors à la critique habituelle qui vise les actions dites de « discrimination positive » mettant en valeur certains projets/personnes d’abord par rapport à un caractère d’origine sexuelle (ici), avant leurs qualités intrinsèques. Si cette approche peut sembler injuste, puisque de bons projets seraient mis en retrait uniquement parce portés par des hommes, elle découle d’une volonté politique qui vise à corriger un état de fait qui semble anormal : la faible représentativité des projets numériques portés par des femmes à l’ensemble.

    Ce constat étant réel, la question est de savoir quelle est son origine, si cette situation doit évoluer et quels sont les moyens pour y parvenir. Certains ont tendance à penser que l’origine de cet état de fait est liée à des caractéristiques « naturellement » différentes entre les hommes et les femmes, qui poussent celles-ci à être moins entreprenantes. Ce type de jugement, qui a longtemps était combattu, a tendance à revenir ces dernières années et à conduire au laisser faire : si un projet est bon il doit réussir. Comme bon nombre de raisonnements libéraux, il ne prend pas en compte le caractère essentiel des conditions initiales : nous ne partons pas tous d’une situation égale, nos différences ne se résument pas à des caractères uniquement naturels, mais pour beaucoup à des facteurs sociaux. Ainsi, une femme et homme n’ont pas pour unique différence leur sexe de naissance, mais tout ce que leur interaction avec les autres leur apportera. Ainsi, si l’on juge que l’origine de cette répartition minoritaire (femmes entrepreneurs du numérique) est liée à des facteurs sociaux ou sociétaux, la question peut alors se poser de savoir si l’on souhaite que cette réparation évolue. Pour répondre à cette question, l’expérience dans d’autres domaines est assez révélatrice : depuis qu’il n’y a plus d’obstacles directs à l’accession des femmes à des postes de grandes responsabilités (traditionnellement réservés aux hommes), nombreuses sont celles qui ont fait la preuve de leur compétence. Aussi peu représentatives soient-elles, ces femmes illustrent parfaitement que leur sexe n’a aucun rapport avec leur compétence. Dans ces conditions, par simple raisonnement statistique, on peut s’attendre à ce que les femmes viennent à représenter la moitié des tenants de tous les postes de tous niveaux où les différences physiques ne comptent pas. Là encore, deux positions s’affrontent : doit-on essayer d’accélérer ce processus, ou attendre qu’il advienne spontanément ? Si l’on considère que la répartition actuelle est défavorable aux femmes dans leur ensemble, et résulte, par exemple, du reliquat d’un héritage patriarcal et sexiste de notre société, tenter d’agir est tout à fait légitime.

    On en revient donc à la forme : encourager des événements de « créatrices numériques féminines » est-ce une mauvaise chose ? D’une part, ce type d’action n’a pour vocation qu’à être transitoire, une fois les femmes mieux représentées, elle deviendra inutile. D’autre part, autant on peut juger du caractère injuste de la mise en avant de projets potentiellement moins bons que d’autres, autant la réalité est toute autre, ce type d’action n’est que marginale : combien de projets ainsi soutenus vont véritablement percer s’ils ne sont pas véritablement bons ? Le gain de visibilité accordé ne peut être qu’un élément propulseur initial par rapport aux mécanismes complexes du web qui font d’une idée un succès ou pas.

    Bise à tout le monde chez toi.

  4. Cher Renaud,
    Si l’on met ainsi en valeurs les femmes dans le numérique c’est que elles ont si peu nombreuses et il est important de montrer des modèles pour que des jeunes femmes puissent se projeter dans cette carrière. Les jeux informatiques sont pour la plupart empreintes d’une culture ultra masculine d’agressivité, de force « virile », de combats dont les femmes n’ont gère envie. 90% des jeux vidéos sont conçus par des hommes. Les écoles d’informatique sont très peu féminisés.
    Nous sommes héritiers et héritières d’une société construire par des hommes pour des hommes. On aurait pu croire qu’il en irait autrement de l’informatique, secteur récent. Mais malheureusement non. Et il est donc très difficile pour les femmes de s’y faire leur place.
    Aussi, pour faire changer cette culture, les actions, projets, entreprises des femmes sont valorisées et montrées. Pour afficher que cela est possible et attirer des femmes .
    Les compétences et les qualités ne sont malheureusement pas suffisantes comme nous le montre aussi bien l' »inégalité de salaire, le plafond de verre persistants malgré les lois, sans parler de la parité en politique, non respectée pour la plupart.
    Il faut donc temporairement faire des événements spécifiques pour montrer que les femmes sont des créatrices – certains en doutent encore, voir Houellebecq et autres -,sinon elles restent invisibles comme dans l’Histoire, la littérature, les sciences…

  5. Oui Sim, merci pour l’analyse.

    Mais franchement, j’ai du mal avec ce concept de discrimination postive… j’ai du mal à percevoir ce qu’un truc commençant par « discrimination » peut avoir de positif.
    M’enfin, c’est un autre débat.

    En tous cas, ça m’éclaire en effet sur le constat. Et je partage ton avis.
    Par contre sur la conclusion, je reste contre.

    En effet, pourquoi alors ne pas faire, en tout pragmatisme, un concours de projets numériques, et y faire un laïus pour défendre l’égalité des chances, le féminisme, ou je ne sais quoi pourvu que ça serve la cause de l’égalité… quitte, pourquoi pas, à créer dans ce concours le prix spécial femme, (même si, on est d’accord, il faudrait juste qu’on arrête d’avoir besoin de ça dans notre société !).
    Là, on aurait un truc ouvert, basé sur la qualité des projets et rien d’autres, et dedans un petit discours sur les valeurs, et une mise en avant des femmes, des non-diplomé, des handicapés, des je-ne-sais-quoi, parce que vous comprenez, c’est encore plus difficile pour eux et faut que ça cesse.

    En gros, combler vraiment, et de façon positive, une inégalité en la combattant pour ce qu’elle est. En élevant tout simplement le niveau, notamment des choses tombées trop bas.

    Pas du tout la même chose, pour moi, de faire un évènement basé a priori sur la discrimination, qui vise du coup à lisser les choses en creusant d’autres inégalités à côté de celle qu’on veut combattre.
    Parce que ça, c’est la définition exacte du nivellement pas le bas… et si il y a un truc qui me fait peur pour l’avenir, franchement, c’est bien ça !

    1. Salut Renaud,

      Je comprends tes réticences, néanmoins, le terme de discrimination n’est pas un gros mot : malheureusement c’est une réalité dans de nombreux domaines. Le terme de « discrimination positive » est, pour moi, du pur pragmatisme (au sens où tu en parles dans ce blog) : face à une situation discriminatoire, si l’on veut renverser la tendance, il n’y a malheureusement pas à tergiverser, il faut agir. Ne rien faire, c’est du conservatisme et pas du pragmatisme : considérer qu’in fine, il n’y a pas de véritable problème.

      De toute façon, comme je te le disais, ce genre d’action ne peut-être que transitoire, dès que l’égalité est atteinte, ce type de politique n’a plus de sens : « affirmative action » n’est plus en place aux US et plus personne n’a de craintes d’aller voir un médecin noir, par exemple. Heureusement la décorrélation entre la couleur de peau et la compétence est effective dans la tête de tous aujourd’hui (mais souvenons nous que ça n’a pas toujours été le cas) !

      Après, sur un autre credo, j’avoue que la grande mode des événements de com’ à tendance « sexualisée », comme ceux dont tu parles, m’agace tout autant que toi. C’est loin d’être la meilleure façon d’agir. C’est du marketing, ça peut peut-être influencer les choses, mais c’est sans doute beaucoup plus tôt (à l’école, dans les familles, dans les média, etc), que se jouent les événements qui feront que les femmes seront statistiquement moins portées par ce type de projets que les hommes…

      Enfin, par rapport à tes craintes, même si je n’ai pas grand chose à dire pour te rassurer, j’aurais plutôt tendance à trouver qu’avoir fait en sorte de mettre de côté des processus de décision, du champs des créateurs, la moité de l’humanité et plus largement de lui avoir refuser son émancipation, et ce pendant des siècles, est sans une doute une des choses qui nous a le plus nivelé par le bas… Pendant cette période (et malheureusement à encore beaucoup trop d’endroits aujourd’hui), la population masculine n’avait pas seulement droit à quelques événements de com’, elle avait tous les droits… et nous nous privions littéralement de la moitié de nos « talents » potentiels !

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